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RIENZI.

foudroyé. Puis il appela le capitaine de ses gardes et ordonna de tenir prêt à sa disposition un détachement de cinquante chevaux ; il gagna l’appartement de Nina, la trouva seule et resta quelques instants à la contempler avec une telle attention, qu’elle en fut frappée de terreur et ne put dire un mot.

« Il faut nous séparer, lui dit-il brusquement.

— Nous séparer !

— Oui, Nina, votre escorte est prête. Vous avez des parents, vous avez des amis à Florence ; c’est Florence qui va devenir votre patrie.

— Rienzi !

— Ne me regardez pas ainsi. Dans mes jours de puissance, de splendeur, de sécurité, vous étiez ma gloire et mon conseil. Aujourd’hui vous ne faites que m’embarrasser. Et…

— Ô Rienzi, ne parle point ainsi ! Qu’est-il arrivé ? Ne sois pas si froid ! Ne fronce pas le sourcil, ne te détourne pas ! Ne te suis-je pas quelque chose de plus que la compagne de tes heures de gaieté, le mignon de tes amours ? Ne suis-je point ta femme ? Ne suis-je point ton amante ?

— Tu ne m’es que trop chère, — trop chère, murmura le tribun ; tant que je te sentirai à mes côtés, je ne serai qu’un demi-Romain. Nina, les vils esclaves que moi-même j’ai faits libres m’abandonnent. Maintenant, au moment même où j’allais peut-être faire disparaître à jamais tous les obstacles qui s’opposaient à la régénération de Rome, maintenant qu’une victoire ouvre la voie à un succès complet, maintenant que nous touchons au port, ma fortune me délaisse soudain au milieu des flots. Ce n’est plus la colère des barons qui est maintenant mon plus grand péril : les barons ont pris la fuite ; c’est le peuple qui devient traître à Rome et à moi !

— Et tu voudrais que je fisse comme le traître ? Non,