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RIENZI.

tes yeux et sur tes lèvres le retour de ton âme angélique, par le premier aveu d’amour que tu fis en rougissant, par notre premier baiser, par notre dernier adieu, je jure de t’être fidèle jusqu’à la fin. Jamais une autre ne chassera ton image de mon cœur ; maintenant que l’espoir semble perdu, la foi devient doublement sacrée. Et toi, ma belle amie, ne te souviendras-tu pas de moi ? Ne te diras-tu pas que nous sommes les fiancés du ciel ? Dans les légendes du Nord, on nous raconte qu’un chevalier, en revenant de la terre sainte, trouva que sa maîtresse, l’ayant cru mort, s’était faite la fiancée du ciel : il construisit, dit-on, un ermitage près du couvent où elle demeurait, et quoiqu’ils ne se revissent plus de leur vie, leurs âmes restèrent fidèles l’une à l’autre jusqu’à la mort. Nous aussi, Irène, soyons ainsi l’un à l’autre, morts à tout le reste, fiancés en souvenir pour être unis là-haut ! Et pourtant, pourtant, avant de terminer, une lueur d’espérance brille encore pour nous. La carrière éclatante de ton frère peut bien n’être qu’une étoile filante ; si elle devait s’abîmer dans les ténèbres, si son pouvoir cessait, si son trône était brisé et que Rome reniât son tribun ; si tu devais un jour ne plus avoir pour frère le juge et le destructeur de ma maison, si un coup subit te faisait tomber du haut de cette grandeur, si tu étais sans amis, sans parents, seule enfin, alors, sans aucune tache à mon honneur, sans commettre un acte bas et honteux en recevant la puissance et le bonheur des mains rouges encore du sang de ma famille, je pourrais te réclamer comme mon bien. L’honneur n’élèvera plus sa voix du jour où tu retomberais dans l’abaissement. Je n’ose caresser trop tendrement ce rêve, car c’est peut-être un péché pour tous deux. Mais il m’est permis de te le murmurer tout bas, afin que tu connaisses ton Adrien tout entier, sa faiblesse comme sa force. Ma bien-aimée, ma bien-aimée pour toujours, plus tendrement