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RIENZI.

Avec Nina seule, son cœur pouvait librement s’épancher, car Nina, malgré toutes les différences de caractère, était aussi une femme qui aimait. Elles se ressemblaient par là. Dans les premiers temps de l’élévation de Rienzi, elles avaient passé beaucoup de leurs plus heureux instants ensemble, loin des pompes de la foule, seules et sans contrainte, dans les nuits d’été, sur les balcons éclairés par la lune, dans cet échange de pensées, de sympathies, de soulagements, qui pour deux femmes passionnées et innocentes devient l’occupation la plus intéressante et la plus puissante consolation. Mais dans les derniers temps leur commerce avait été bien troublé. Du matin où les barons avaient reçu leur pardon, jusqu’à celui où ils avaient marché sur Rome, ce n’avait été qu’une suite d’émotions violentes. Toutes les figures que voyait Irène étaient chagrines et abattues ; toute gaieté était suspendue, des conseillers affairés et inquiets ou des soldats en armes avaient été, pendant des journées entières, les seuls visiteurs du palais. Rienzi n’avait apparu que pour de courts instants, le front surchargé de soucis. Nina avait été plus tendre, plus caressante que jamais ; mais dans ses caresses il y avait comme une compassion triste et de mauvais augure. Les consolations d’autrefois, les paroles d’encouragement et d’espérance, étaient remplacées par un sourire douloureux et des demi-confidences ; Irène était d’ailleurs préparée par les pressentiments de son propre cœur au coup qui vint la frapper ; la victoire restait à son frère, ses ennemis étaient écrasés ; Rome était libre ; mais la superbe maison de Colonna avait perdu ses plus magnifiques appuis, et Adrien était perdu pour elle ! Elle ne le blâmait point ; elle ne pouvait blâmer son frère ; chacun des deux avait agi comme il convenait à sa position personnelle. Elle ne pouvait accuser de ses maux que les événements et le sort, victime sacrifiée, comme Iphigénie, aux vents qui allaient pousser la barque de