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RIENZI.

vivant, elle n’était guère faite pour la région orageuse mais splendide où elle se trouvait ainsi soudainement transportée.

Malgré toute son affection pour Rienzi, elle ne pouvait surmonter à son égard une certaine crainte qui, jointe à la différence de sexe et d’âge, ne lui permettait pas de s’épancher avec lui sur le sujet le plus cher à son cœur.

Lorsque l’absence d’Adrien à la cour de Naples dépassa l’époque présumée (car il n’était pas de cour alors, où, devant un trône vivement disputé, le tribun eût besoin d’un représentant plus noble ou plus intelligent ; et des intrigues multipliées retardaient son départ de semaine en semaine) elle devint inquiète, elle s’alarma. Comme bien d’autres qui, sans être vus, et surtout sans y prendre part, ne sont que simples spectateurs de la pièce qui se joue devant eux, elle voyait involontairement plus loin dans l’avenir que le génie plus profond du tribun ou de Nina ; elle devinait le dangereux déplaisir des nobles à leurs regards et à leurs chuchotements qui échappaient à des oreilles et à des yeux plus pénétrants ou plus redoutés. Agitée par une anxiété continuelle, si elle soupirait après le retour d’Adrien, ce n’était pas seulement pour des motifs personnels, elle n’avait que trop de raisons de craindre pour son frère. Adrien de Castello, à la fois noble et patriote, pouvait offrir à chaque parti un médiateur, et chaque jour sa présence devenait plus nécessaire, jusqu’à ce que la conspiration des barons finit par éclater. À partir de ce moment elle n’osa plus espérer ; elle n’était point aveuglée par le génie dont l’essor emportait le tribun dans des régions brillantes qui lui dissimulaient la triste réalité ; elle voyait d’un sens plus calme que le Rubicon était passé, et au travers de tous les événements qui se succédaient elle n’avait que deux images toujours présentes, son frère en danger, son fiancé séparé d’elle.