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RIENZI.

joyeuses acclamations suivirent le coursier haletant du tribun à son passage sous la voûte ; et aussitôt qu’il entra dans l’intérieur de la ville, une foule de ceux auxquels leurs infirmités, leur sexe ou leur âge n’avaient pas permis de prendre part au combat, femmes, enfants, vieillards sans vigueur, mêlés aux moines et aux religieux à pieds nus et robes sombres, vinrent en foule, au bruit de sa victoire, saluer son triomphe.

Rienzi passa à cheval près du cadavre du jeune Colonna, à demi plongé dans une mare d’eau, et à côté de lui, enlevé de la voûte sous laquelle il était tombé, gisait le corps de Gianni Colonna (ce Gianni Colonna dont la lance avait envoyé au ciel la douce âme du frère de Rienzi). Il jeta un coup d’œil sur ces morts, pendant que la mélancolique étoile du soir se jouait sur la mare sanglante et sur leurs cuirasses souillées par le trépas ; combien d’émotions soulevaient alors sa poitrine ! En se retournant, il aperçut le jeune Angelo, qui, en compagnie de quelques gardes de Nina, était venu à cet endroit et qui s’approchait en ce moment du tribun.

« Enfant, lui dit Rienzi en lui montrant les morts : Tu es bienheureux, toi, de n’avoir pas le sang d’un parent à venger ! Pour celui qui a ce compte à demander, l’heure fatale vient tôt ou tard et c’est une heure terrible ! »

Ces paroles pénétrèrent au fond du cœur d’Angelo, car dans la suite elles devinrent comme l’arrêt du destin pour celui qui les avait dites et pour celui qui les avait entendues.

Avant que Rienzi se fût entièrement remis de son émotion, et tandis qu’autour de lui retentissaient les lamentations déchirantes des veuves et des mères des victimes, les plaintes des mourants, les exhortations des moines, mêlées aux chants de joie et de victoire, un cri fut poussé par les femmes et les traînards au dehors sur le champ de bataille :