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RIENZI.

« Meurs, tyran ! s’écria Cecco del Vecchio ; et il plongea son poignard dans la poitrine du sénateur.

— Meurs, bourreau de Montréal ! murmura Villani ; voilà le devoir que j’avais à remplir ! » Et il porta le second coup. Puis, en se retirant, il vit l’artisan, dans toute l’ivresse furieuse de sa brutale colère, agitant en l’air son bonnet, criant à haute voix et foulant aux pieds le lion abattu. Le jeune homme le contempla avec un regard de dédain amer et flétrissant ; puis rengaînant son épée et se tournant lentement pour quitter la foule :

« Imbécile, dit-il, misérable imbécile ! Ni eux ni toi vous n’aviez du moins à venger le sang de vos proches. »

On ne fit seulement pas attention à ses paroles ; on ne le vit pas partir ; car en même temps que Rienzi, sans un mot, sans un gémissement, tombait sur le sol, tandis que les flots ondoyants de la multitude s’amoncelaient sur lui, une voix aiguë, perçante, sauvage, se fit entendre au-dessus de toutes ces clameurs. Nina se tenait à la fenêtre du palais ! (la fenêtre de sa chambre nuptiale) à travers les flammes qui éclataient en bas et à l’entour, sa figure et ses bras tendus étaient seuls visibles ! Avant que le son de ce cri saisissant eût encore traversé les airs, un immense fracas annonçait la chute foudroyante de toute cette aile du Capitole, noircie et minée par le feu !

À cette même heure, une barque solitaire glissait rapidement le long du Tibre. Rome était déjà loin ; mais la lugubre splendeur de l’incendie dardait ses rayons réfléchis sur le cristal du fleuve tranquille ; la beauté du paysage passait toute expression ;… la douceur de ce tableau défiait à la fois l’art du peintre et l’inspiration du poëte à la vue de ce soleil radieux, qui frémissait sur l’herbe ondoyante et répandait un calme attendrissant sur les flots dorés du fleuve.

Les yeux d’Adrien étaient dirigés vers les tours du Capitole, que les flammes faisaient reconnaître au milieu