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RIENZI.

peu dignes. Que Rome périsse ! Je suis fier de sentir que je suis plus noble que ma patrie. Elle ne méritait point un si grand sacrifice ! »

Animé par ce nouveau sentiment, la mort perdit à ses yeux toute la noblesse qu’il y trouvait d’abord, et il résolut, ne fût-ce que par mépris pour ses ennemis ingrats, ne fût-ce que pour défier leur colère inhumaine, de faire une tentative pour sauver sa vie. Il se dépouilla de ses armes étincelantes ; son adresse, sa dextérité, sa ruse lui revinrent. Sa prompte intelligence passa en revue les chances qui lui restaient pour se déguiser et s’échapper ; il quitta la salle, traversa les chambres basses, réservées aux serviteurs et aux domestiques ; dans une d’elles il trouva un habit de travail grossier, il le revelit, se mit sur la tête quelques tentures, quelques meubles du palais, comme s’il voulait les sauver dans sa fuite, et reprenant ce fantastico riso qu’on lui connaissait autrefois : « Puisque tous les autres amis me délaissent, dit-il, je puis bien dépouiller aussi le vieux Rienzi ! » Et là-dessus il attendit une occasion propice.

Cependant les flammes s’étendaient, avec une rage impitoyable ; la porte extérieure était déjà consumée ; de l’appartement qu’il avait abandonné le feu jaillissait avec des bouffées de fumée ; le bois craquait, le plomb fondait, les portes arrachées de leurs gonds tombaient avec fracas ; l’entrée de cet enfer était ouverte à la multitude, l’orgueilleux Capitole des Césars chancelait déjà tout prêt à tomber en ruines. Le moment était venu ! Rienzi passa par la porte flamboyante, dont le seuil couvrait l’incendie ; il traversa şans blessure la porte du dehors, il était au milieu de la foule. « Il y a furieusement de quoi piller là-dedans, » dit-il aux assistants, en patois romain, cachant sa figure sous son fardeau. « Suso, suso a gliu traditore ! » La populace se précipitait en passant près de lui ; il courait toujours, il gagna le dernier escalier par où l’on descen-