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RIENZI.

Cependant Nina était revenue ; Irène l’accompagnait. On entendait au loin le piétinement régulier… lent… toujours croissant, de la fatale multitude.

« Maintenant, Rienzi… dit Nina, d’un air de gaieté intrépide, en prenant le bras de son mari, tandis qu’Adrien s’était déjà chargé d’emmener Irène.

— Oui, maintenant, Nina ! répliqua Rienzi, nous nous séparons enfin ! Si c’est ma dernière heure qui est venue, je prie Dieu, à ma dernière heure, de te bénir et de le protéger. Car, en vérité, tu as été ma plus douce consolation, prévoyante comme une mère, tendre comme un enfant, le sourire de mon foyer, le… le… »

Rienzi était accablé. Un conflit d’émotions profondes, d’élans de tendresse et de reconnaissance, qu’il ne pouvait exprimer par la parole, oppressait sa poitrine et étouffait sa voix.

Quoi ! s’écria Nina, s’attachant au sein de Rienzi, et écartant sa chevelure de ses yeux pour mieux voir la figure de son époux, qu’il détournait en vain. Nous séparer ! jamais ! Ma place est ici, Rome tout entière ne m’en arrachera pas. »

Adrien, désespéré, lui saisit la main et essaya de l’entraîner dehors.

« Ne me touchez pas, sire ! dit Nina, secouant son bras avec un courroux majestueux, tandis que ses yeux étincelaient comme ceux d’une lionne à qui le chasseur voudrait ravir ses petits. Je suis l’épouse de Cola de Rienzi, le grand sénateur de Rome, et c’est à ses côtés que je veux vivre et mourir !

— Emmenez-la vite, vite ! j’entends la foule s’avancer. »

Irène s’arracha des bras d’Adrien et tomba aux pieds de Rienzi. Elle étreignait ses genoux.

« Viens, mon frère viens ! Pourquoi perdre ces moments précieux, Rome vous défend de rejeter ainsi une vie à laquelle sa propre existence est étroitement unie.