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RIENZI.

de la terre ici-bas. Une foule de pensées confuses passaient comme un torrent dans le sein de Rienzi, que de souvenirs évoquait son cœur ! Que de fois, en sa jeunesse, il avait foulé ce sol : nourri son âme de visions brillantes, d’espérances lointaines ! Dans l’agitation de ses dernières années, sa mémoire avait longtemps sommeille ; mais à cette heure elle reprenait son règne mystérieux avec une énergie qui semblait prophétique, Il se voyait encore adolescent, allant avec son jeune frère, en se donnant la main, le soir au bord du fleuve ; puis après, il avait sous les yeux une pâle figure, une poitrineensanglantée, et répétait avec ardeur ses imprécations de vengeance ! Ses premiers succès, ses triomphes nouveaux pour lui, son secret amour, sa renommée, sa puissance, ses revers, l’ermitage de Maiella, le cachot d’Avignon, le retour triomphal à Rome ; toutes ces scènes défilèrent en son caur aussi distinctes que s’il y assistait en réalité une seconde fois ! et maintenant ! il recula devant le présent, et descendit la colline. La lune, déjà levée, baignait de sa lumière te Forum, lorsqu’il en traversa les ruines confuses. Près du temple de Jupiter, deux figures sortirent tout à coup de l’ombre ; la lune éclaira leur visage de sa clarté, et Rienzi reconnut Cecco del Vecchio et Angelo Villani. Ils ne le virent point ; mais, engagés dans un entretien animé, ils disparurent près de l’arc de Trajan.

« Villani ! toujours en mouvement pour mon service ! pensa le sénateur ; il me semble que, ce matin, je lui ai parlé un peu rudement. C’était bien mal de ma part..

Il revint sur la place du Capitole : il s’arrêta à l’escalier du Lion ; il y avait sur le pavé une tache rouge, qu’on n’avait pas effacée depuis l’exécution de Montréal, et le sénateur s’écarta de côté avec un frisson intérieur. Était-ce la lueur pâle et funèbre de la lune qui donnait à la figure de ce vieux monstre égyptien l’air d’un spectre vivanı ? Ses yeux de pierre semblaient lui darder un re-