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RIENZI.

si belle mort, répliqua Rienzi en se déshabillant lentement.

— Rienzi, je n’ai jamais contrarié tes projets, ta politique, ne fût-ce que par une insinuation. Je me suis contentée de triompher de tes succès, ou de déplorer tes échecs, mais aujourd’hui, j’ai une demande à te faire, une seule : pour l’amour de moi, fais grâce de la vie à cet homme.

— Nina.

— Écoute-moi, c’est pour toi que je parle. Malgré ses crimes, sa valeur et son génie lui ont gagné des admirateurs même parmi ses ennemis. Plus d’un prince, plus d’un État, qui en secret se réjouit de sa chute, va se faire honneur de détester son juge. Écoute encore ; ses frères ont aidé à ton retour ; le monde va te traiter d’ingrat. Ses frères t’ont prêté de l’argent, le monde va te traiter de…

— Assez ! interrompit le sénateur. Tout ce que tu dis là, mon esprit l’a prévu. Mais tu me connais, je ne te cache rien. Il n’y a pas de traité qui puisse répondre de la bonne foi de Montréal, pas de grâce qui puisse gagner sa reconnaissance. Sa droite sanglante balaye devant elle la justice et la vérité. Si je condamne Montréal, j’affronte l’opinion et je m’expose à maint danger, d’accord. Si je le mets en liberté, avant les premières giboulées de mars, les chevaux des Normands henniront dans les salles du Capitole. Qui dois-je risquer dans cette alternative ? Est-ce moi ou Rome ? Ne m’en demande pas davantage… Allons, couchons-nous, il est temps.

— Si tu pouvais lire mes pressentiments, mystérieux, sombres, inexplicables ?

— Tes pressentiments ! J’ai les miens, répliqua Rienzi, avec tristesse, contemplant l’espace vide comme si sa pensée l’eût peuplé de fantômes. Puis, levant les yeux au ciel, il dit avec cette énergie fanatique qui comptait pour beaucoup dans sa force et dans sa faiblesse ; « seigneur,