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RIENZI.

— Villani ! Angelo Villani ! s’écrièrent en même temps les deux frères. Est-ce que tu lui as confié quelque chose ?

— Ma foi, je le crains ; il doit avoir vu ma correspondance avec vous et avec les barons ; il était au nombre de mes scribes. Que savez-vous donc sur son compte ?

— Walter, le ciel vous a frappé d’aveuglement, répondit Brettone. Angelo Villani est le serviteur favori du sénateur.

— Alors ce sont ses yeux qui m’ont déçu, murmura Montréal d’un ton solennel et en frissonnant ; c’est elle dont l’ombre est revenue en ce monde. Dieu me frappe du fond du tombeau !… »

Puis un long silence. Enfin, Montréal, dont l’humeur entreprenante et impétueuse n’était jamais longtemps assombrie, reprit la parole ;

« Est-ce que les coffres du sénateur sont pleins ? C’est impossible.

— Ils sont aussi secs qu’un dominicain.

— Alors nous sommes sauvés. Il fixera la rançon qu’il voudra pour nos têtes. L’argent doit lui être plus utile que le sang. »

Et comme si, grâce à cette idée, toute autre réflexion fût devenue superflue, Montréal s’enveloppa de son manteau, fit une courte prière et se jeta sur un grabat, dans un coin de la cellule :

« J’ai dormi sur des lits plus durs que celui-ci, » observa le chevalier en s’y étendant ; et, en quelques minutes, il tomba dans un profond sommeil.

Ses frères écoutaient avec autant d’envie que d’étonnement sa respiration libre et régulière ; mais ils n’étaient pas d’humeur à faire la conversation. Calmes, muets, ils étaient assis comme des statues à côté de leur frère endormi. Le temps passa, et la première fraicheur de l’air, après minuit, se glissa au travers des barreaux de leur cellule. Les verrous craquèrent, la porte s’ouvrit pour