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RIENZI.

— C’est vrai, monseigneur, la vieille nonne Augustine, qui m’éleva dans mes premières années m’a dit mainte et mainte fois que mes parents étaient morts. Tous deux étaient nobles, monseigneur, mais je suis l’enfant de l’opprobre. Je me le dis souvent et j’y pense toujours pour rappeler à Angelo Villani qu’il a un nom à gagner.

— Jeune homme, sers-moi comme tu m’as servi, et, si je vis encore, un jour tu n’auras plus besoin de t’appeler l’orphelin. Écoute-moi ! Il me faut un ami : le sénateur de Rorne veut un ami, rien qu’un ami : Ô doux ciel ! un seul ami ! »

Angelo tomba à genoux et baisa le manteau de son maître.

« Dites un serviteur dévoué. Je suis placé trop bas pour être l’ami de Rienzi.

— Trop bas ? allons donc ! il n’y a rien de bas devant Dieu, si ce n’est une âme vile sous de hauts titres. À mes yeux, mon ami, il n’y a qu’une noblesse, et c’est la nature qui en scelle les priviléges. Écoute : tu entends parler toujours de Walter de Montréal, le frère de ces Provençaux, le grand capitaine des grands maraudeurs ?

— Certainement, je l’ai même vu, monseigneur.

— Eh bien ! il est à Rome. Quelque audacieuse pensée, quelque ligue impie, quelque scélératesse profondément combinée, peut seule engager ce bandit à s’aventurer publiquement dans une cité italienne, dont, il y a quelques mois, il ravageait le territoire par le fer et le feu. Mais ses frères m’ont prêté de l’argent : ils ont aidé mon retour, dans leur intérêt, il est vrai, cependant les obligations que je leur ai en apparence leur donnent un pouvoir réel. Ces mercenaires allemands me couperaient la gorge si le grand capitaine le leur commandait. Il compte sur ma faiblesse supposée. Je le connais de longue date. Je soupçonne, que dis-je, je lis ses desseins, mais je ne puis en donner de preuves. Or, sans preuves je ne puis