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RIENZI.

jeunesse si remarquable. Mais ce n’était plus ce type de beauté que nous avons décrit la première fois que nous l’avons présenté au lecteur. Ce n’était plus cette délicatesse presque féminine du teint et des traits, ni cette politesse de haute naissance, cette gracieuse douceur dans les manières qui distinguaient Walter de Montréal ; une vie d’émotions et de combats avait à la longue produit son effet. Il avait maintenant l’air brusque et impérieux, comme un homme accoutumé à gouverner des caractères violents, et il avait échangé le charme de la persuasion contre la roideur inflexible du commandement. Son corps d’athlète était devenu plus maigre et plus musculeux ; au lieu d’un front à demi ombragé par les longues boucles d’une belle chevelure, le devant de sa tête, sillonné par quelques rides, était complétement chauve sur les tempes, et donnait encore une majesté plus virile à sa physionomie. Son teint fleuri d’autrefois, flétri maintenant par les soucis intérieurs plutôt que par l’action de l’air et du temps, avait fait place à une pâleur bronzée ; ses traits paraissaient plus arrêtés, plus saillants, parce que les chairs s’étaient retirées du contour de ses joues. Pourtant ce changement était en rapport avec celui de l’âge et la marche des événements. Aujourd’hui si le brave Provençal ne réalisait pas aussi bien la beauté d’un chevalier errant, il n’en représentait que mieux ce que le chevalier errant était devenu à la fin, le sage et habile politique, le puissant capitaine.

« Vous devez vous apercevoir, » disait Montréal, continuant un discours qui semblait avoir fait grande impression sur ses compagnons, « que dans cette lutte entre vous et le sénateur, c’est moi seul qui tiens la balance ; Rienzi est absolument à ma disposition. Mes frères sont les chefs de son armée ; moi-même je suis son créancier. Il dépend de moi de l’établir solidement sur un trône ou de l’envoyer à l’échafaud ; je n’ai qu’à donner un ordre,