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RIENZI.

son propre compte : et sans le retour de Rienzi, il sentait qu’il aurait pu maintenant, avec plus de sécurité, et, à vrai dire, avec quelque connivence de la part des barons, être tribun du peuple. L’espérance de s’élever aisément à des honneurs populaires dans un État désorganisé et corrompu, privé d’une constitution régulière, encourage l’ambition, enfante les jalousies et les rivalités qui détruisent l’union politique, et énervent les liens de l’esprit de parti.

Telle était la position de Rienzi, et pourtant, chose merveilleuse, il avait l’air d’être adoré par la multitude ; les lois, la liberté, la vie et la mort étaient entre ses mains !

De tous les gens attachés à sa personne, Angelo Villani était le plus en faveur ; ce jeune homme, qui avait accompagné Rienzi dans son long exil, avait aussi, selon le désir de Nina, continué à le suivre d’Avignon au camp d’Albornoz, tout le temps que Rienzi y était demeuré. Son zèle, son intelligence, des preuves constantes d’une affection sincère cachaient aux yeux du sénateur les défauts de son caractère, et lui gagnaient de plus en plus sa reconnaissance. Il aimait à sentir un caur fidèle battre auprès de lui, et ce page, élevé au rang de chambellan, ne quittait jamais sa personne et couchait dans son antichambre.

Cette nuit, à Tivoli, s’étant retiré dans l’appartement qui lui était préparé, le sénateur s’assit à une croisée ouverte, d’où l’on voyait se balancer, à la lumière des étoiles, les sombres pins qui couronnaient les collines, tandis que le silence de cette heure lui faisait entendre distinctement le fracas des cascadeş mêlé au pas régulier et mesuré des sentinelles, sous ses fenêtres. Appuyant sa joue sur sa main, Rienzi s’abandonna longtemps à de sombres pensées, et, lorsqu’il leva les yeux, il vit les yeux bleus de Villani fixés sur son visage, avec une anxiété particulière empreinte dans ses traits.