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RIENZI.

courtes mais brillantes, où il oubliait l’âge de fer où il était jeté, pour se plonger dans les rêveries scolastiques du passé dont il faisait son culte, et se figurait presque qu’il appartenait à un peuple digne de son génie et de son dévouement. Comme la plupart des hommes qui ont échappé à de grands dangers, il continuait à nourrir son imagination crédule d’une foi obstinée dans la grandeur de sa destinée. Il ne pouvait s’imaginer qu’il eût été délivré d’une manière miraculeuse, sans un but providentiel ! Il était l’élu, et, par conséquent, l’instrument du ciel. Aussi cette Bible qui dans sa solitude, ses voyages et sa prison, avait été sa consolation, son soutien, lui devint plus nécessaire que jamais dans sa grandeur.

Une autre cause de douleur et de chagrin pour un homme qui, au milieu de telles circonstances et des dangers publics dont il était entouré, avait si particulièrement besoin de l’aide et de la sympathie d’amis privés, c’est qu’il subissait, dans ses anciens partisans, les suites inévitables de l’absence. Quelques-uns étaient morts ; d’autres, lassés des orages de la vie publique, sentaient leur ardeur éteinte par les révolutions turbulentes auxquelles Rome avait été assujettie dans chaque effort qu’elle avait fait pour améliorer son état politique ; ils s’étaient retirés, les uns de la ville même, les autres de toute participation aux affaires politiques. Dans sa demeure, le sénateur tribun se trouvait environné d’une nouvelle génération dont les visages mêmes ne lui étaient pas familiers. La plupart des chefs du parti populaire étaient animés d’une antipathie obstinée à l’égard du gouvernement pontifical, et regardaient avec défiance et répugnance un homme qui gouvernait dans l’intérêt du peuple, mais qui recevait du pape son pouvoir et ses honneurs. Rienzi n’était pas capable d’oublier d’anciens amis, même d’une humble condition, et il avait déjà trouvé le temps d’avoir une entrevue avec Gecco del Vecchio ; mais l’inflexible républi-