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RIENZI.

daient paix et richesses, et ils s’attendaient à voir un homme accomplir en un jour ce qui serait encore acquis à bon marché, au prix des efforts de toute une génération. La seule idée, confuse et grossière, qu’ils se formaient d’un état régénéré, c’était de pouvoir vivre sans avoir à craindre le glaive des barons, ni les impôts de leur gouverneur. Rome, je le répète, n’offrait pas un seul bras désintéressé, pas un seul florin volontaire à son sénateur[1].

Rienzi sentait bien à quels dangers s’expose tout gouvernement qui confie sa défense à des armes étrangères ; aussi son plus cher désir, et son rêve le plus chimérique, étaient-ils de mettre à profit le premier enthousiasme excité chez les Romains par son retour pour rétablir parmi eux une armée régulièrement organisée, et composée de volontaires qui, en combattant pour lui, combattraient pour eux-mêmes ; non pas, comme autrefois, au temps de sa première grandeur, une armée nominale de vingt mille hommes, qui à toute heure pouvait se réduire, et se réduisait en effet à cent ou cent cinquante baïonnettes ; mais un corps régulier, bien discipliné, fidèle, assez nombreux pour résister à toute agression, sans être assez nombreux pour devenir lui-même agresseur.

Jusque-là toutes ses tentatives en particulier, toutes ses exhortations en public avaient échoué ; la foule s’amassait pour l’entendre, battait des mains, le regardait quitter la ville pour aller combattre leurs tyrans, et chacun retournait à sa boutique en se disant : quel grand homme !

Le caractère de Rienzi a eu surtout pour juges des savants de cabinet, qui regardent les créatures humaines comme autant de machines, et mesurent les grands hommes non pas à leur mérite, mais à leurs succès ;

  1. Le fait est attesté par des autorités irrécusables. (Note de l’auteur.)