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RIENZI.

— Arimbaldo, répliqua Rienzi, dont la voix trahissait une émotion profonde, mais à demi comprimée, vous êtés un homme lettré, et vous avez semblé partager mes vues pour la régénération de l’humanité. Ce ne serait pas à vous de me tromper. Il y a des liens communs entre nous. Mais, ne m’en voulez pas, je suis entouré de trahisons, et jusqu’à l’air que je respire semble un poison pour mes lèvres. »

Les paroles de Rienzi étaient pleines d’une émotion pathétique qui toucha le plus doux des frères de Montréal. Il s’inclina en silence. Rienzi l’examina attentivement, et soupira. Puis, changeant de conversation, il parla de leur projet d’assiéger Palestrina, et, peu de temps après, se retira pour prendre quelque repos.

Restés seuls, les deux frères se regardèrent l’un l’autre quelques instants en silence. « Brettone, dit enfin Arimbaldo à demi-voix, je ne sais pas si je me trompe, mais je n’aime pas les rêves ambitieux de Walter. Avec nos compatriotes nous sommes francs et loyaux ; pourquoi jouer le rôle de traîtres avec ce Romain généreux[1] ?

— Bah ! dit Brettone. La main de fer de notre frère peut seule gouverner ce peuple turbulent ; et si nous trahissons Rienzi, nous en faisons autant à ses ennemis, les barons. N’en parlons plus ! J’ai des nouvelles de Montréal ; il sera dans Rome sous peu de jours.

— Et alors ?

— Quand Rienzi sera affaibli par les barons (car il ne faut pas qu’il les surmonte), et les barons affaiblis par

  1. L’auteur anonyme de la biographie de Rienzi fait la remarque suivante :

    « Ceux de la race tudesque, au moment où ils arrivent d’Allemagne, sont simples, francs, sans tromperie ; à mesure qu’ils s’établissent au milieu des Italiens, ils deviennent maîtres en fait de ruse et de fourberie ; car ils ne voient partout que méchanceté. » — (Vie de Cola de Rienzi, liv. II, chap. XVI.)