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RIENZI.

l’impudence de faire sénateur, a osé, pas plus tard qu’hier, nous envoyer un valet, qu’il appelait, que la sainte Vierge nous pardonne ! son ambassadeur !

— Je voudrais que vous eussiez pu voir son manteau, seigneur Adrien, ajouta le Savelli, faisant chorus : c’était du velours pourpre, aussi vrai que je parle, orné de broderies d’or, avec les armes de Rome ; nous n’en avons pas eu pour longtemps à lui gâter sa toilette.

— Comment ! s’écria Adrien : vous n’avez pas violé les lois de toute noblesse et chevalerie ? vous ne vous êtes pas avisés d’insulter un héraut ?

— Un héraut, dis-tu ? s’écria Stefanello, fronçant le sourcil à ce point qu’on ne lui voyait plus les yeux. C’est bon pour des princes et des barons d’envoyer des hérauts. Ah ! si on m’avait laissé faire, j’aurais renvoyé à l’usurpateur la tête de son mignon.

— Qu’avez-vous fait alors ? demanda froidement Adrien.

— Ordonné à nos porchers de plonger le gaillard dans le fossé et de lui donner logement pour une nuit dans un cachot pour se sécher à son aise.

— Et ce matin, ha ! ha ! ha ! ajouta le Savelli, nous l’avons fait ramener devant nous, et lui avons arraché les dents, une à une : je voudrais que vous eussiez entendu le drôle marmotter pour demander grâce !

Adrien se leva précipitamment, et de son gantelet frappa brusquement la table.

— Stefanello Colonna, dit-il en rougissant d’une noble colère, répondez-moi, est-il bien vrai que vous ayez osé infliger ce déshonneur ineffaçable sur le nom que nous portons l’un et l’autre ? Dites-moi, au moins, que vous avez protesté contre cette infâme trahison envers toutes les lois de la civilisation et de l’honneur. Vous ne répondez pas. Ô maison des Colonna, je te plains d’avoir un tel représentant ?

— Est-ce à moi que tu parles ? s’écria Stefanello,