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RIENZI.

charmes brillants de Nina, nul présage, nul avertissement ne jeta un nuage sur l’allégresse universelle.

Derrière Nina se tenait Irène, qui ne cherchait qu’à échapper aux regards de la multitude et à laisser éclipser sa beauté, beauté modeste, par les charmes éblouissants de l’épouse de son frère. Au milieu de cette foule, c’était sur elle seule qu’étaient fixés les yeux d’Adrien. Les années qui avaient passé sur le front gracieux de la jeune fille de seize ans, qu’animait alors le premier souffle, le souffle frémissant de l’amour, quand la jeunesse coulait à flots dans ses veines, comme la passion et la tendresse du premier âge inondaient ses pensées, avaient changé, sans l’altérer, le caractère de sa beauté. On ne voyait plus ses joues pâlir et rougir tour à tour ; il y régnait toujours à présent une pâleur délicate et pensive ; sa forme, dont les contours arrondis accusaient la vigueur d’une beauté romaine, avait pris dans l’ensemble une dignité calme et reposée. Son il inquiet n’errait plus à la poursuite de quelque objet imaginaire ; ses lèvres ne tremblaient plus d’un sourire inquiet sous l’impression de quelque espérance secrète ou de quelque souvenir involontaire. Une certaine expression sérieuse et triste donnait à sa figure (toujours si douce pourtant !) une gravité qui n’était pas de son âge. La première fleur, l’aurore, le printemps du cœur étaient passés pour elle ; mais ni les années, ni la douleur, ni l’amour flétri n’avaient ravi à son visage sa singulière et angélique douceur, et cette modestie inexprimable, virginale, dans le maintien et les regards, dont le contraste avec les beautés plus hardies de l’Italie, avait contribué plus que tout le reste à la faire distinguer d’Adrien parmi toutes les autres femmes, pour en faire l’idole de son cœur. Ainsi, ne pouvant rassasier sa vue de ces yeux noirs, dont le profond regard disait assez que son âme se réfugiait loin du présent dans les souvenirs du passé, Adrien sentit plus d’une fois qu’il n’était pas