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RIENZI.

pût arrêter plus longtemps les destinées de Rienzi ; et peut-être ne trouverait-on pas dans toute sa vie une époque où il ait déployé avec plus d’éclat toute l’adresse et la subtilité de ses ressources pour échapper aux artifices du cardinal. Retiré à Pérouse, il s’était, comme nous l’avons vu, procuré, par l’entremise des frères de Montréal, des hommes et de l’argent pour son retour. Mais le chevalier de Saint-Jean s’était grandement trompé en s’imaginant que Rienzi ne soupçonnerait pas la nature perfide et dangereuse du secours qu’il avait reçu. L’œil perçant du tribun lut du premier coup tous leurs projets dans l’âme des frères de Montréal ; il comprit que sous prétexte de le servir, ils avaient l’intention de le gouverner ; que, devenu débiteur de l’avide et ambitieux Montréal, et entouré des troupes conduites par ses frères, il était au fond d’une nasse qu’il lui fallait briser, s’il ne voulait pas laisser sa fortune et sa vie même dans les mailles traîtresses de ce filet fatal. Mais, confiant dans les ressources et la promptitude de son génie personnel, il poussa la hardiesse de l’espérance jusqu’à vouloir traiter en marionnettes ceux qui avaient rêvé de faire de lui leur instrument ; et comme le pouvoir souverain était en jeu, il ne tint pas assez compte de l’esprit de ruse des adversaires qu’il était obligé de braver.

Cependant, comme il unissait à une hardiesse généreuse une profonde dissimulation, il eut l’air d’avoir une confiance absolue en ses compagnons provençaux ; et son premier acte en entrant au Capitole, après le défilé triomphal, fut de récompenser par les plus hautes dignités qu’il eût à sa disposition messire Arimbaldo et messire Brettone de Montréal !

Il y eut une grande fête cette nuit-là dans les salles du Capitole ; mais ce que Rienzi mettait au-dessus de toutes les pompes du jour, c’étaient les sourires de Nina. Tenant fixés sur la personne de son bien-aimé ses yeux