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RIENZI.

plus solitaire, à l’écart de l’appareil militaire déployé tout alentour, il s’étendit au bord du torrent.

Les derniers rayons du soleil se brisaient sur l’onde harmonieuse qui dansait sur son lit de pierres, et du sein d’un petit taillis, sur la rive opposée, résonnait le chant bref et interrompu des habitants ailés de cet air empourpré, que le tumulte du camp n’avait pas effarouchés dans leurs vertes retraites. Les nuages demeuraient immobiles à l’ouest, sur un ciel d’un bleu si profond et si riche, qu’on ne le retrouve que dans les paysages qu’un Claude le Lorrain ou un Salvator Rosa se plaisait à peindre ; pendant que des teintes d’un rose vague et délicieux se montraient sur les sommets grisâtres des Apennins. On entendait dans le lointain flotter les ondes sonores du bourdonnement du camp, interrompu par le hennissement des chevaux, ou par la fanfare d’un clairon, ou bien encore, à des intervalles réguliers, par le pas cadencé de la sentinelle sous les armes. En face du taillis, à gauche, sur une éminence garnie de roseaux, de mousses, d’herbes ondulées étaient les ruines d’un vieil édifice étrusque, dont le nom avait péri, dont l’usage même était inconnu.

La scène qu’offrait ce paysage était si calme et si attrayante, pendant qu’Adrien la contemplait, qu’il était impossible de croire qu’à cette heure même, c’était le repaire d’une bande de brigands farouches dont l’âme, chez la plupart, complétement abrutie, ne rêvait que le meurtre et le pillage.

Toujours plongé dans ses rêveries et jetant, sans y penser, quelques cailloux dans le ruisseau sonore, Adrien fut éveillé par un bruit de pas.

« Oh ! le bel endroit pour écouter le luth et les ballades de Provence dit la voix de Montréal, pendant que le chevalier de Saint-Jean, car c’était lui, se jetait sur le gazon à côté du jeune Colonna.