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RIENZI.

sait-il, le temps aura-t-il produit quelque changement imprévu ; peut-être pourrai-je encore aider à relever mon pays. »

Mais ce patriotisme indolent n’était mêlé d’aucune ambition. Sur cette brûlante scène d’action, où la soif du pouvoir semblait agiter tous les cours, et quand l’Italie était devenue l’Eldorado de la cupidité ou l’Utopia de la soif du pouvoir, parmi ces milliers de bras conquérants, d’esprits ambitieux, il restait au moins un caur fidèle à la vraie philosophie de l’Ermite. Le caractère d’Adrien était chevaleresque et viril, mais il se distinguait surtout par cette élégance de sentiments délicats qui répugne à toute alliance grossière, et qui fait trouver la volupté suprême dans une indolence raffinée par le goût des lettres. Son éducation, son expérience, son intelligence l’avaient placé bien au-dessus de ses contemporains, et il regardait avec un mépris suprême les ignobles pratiques et les basses tromperies par lesquelles l’ambition italienne se frayait un chemin au pouvoir. L’élévation et la chute de Rienzi, qui, malgré ses défauts, était au moins dans son temps le plus pur et le plus honorable de tous ces princes de fortune, avaient contribué à faire désespérer Adrien du succès des nobles aspirations autant qu’à le dégoûter de celui des intrigues contraires. La mélancolie rêveuse, fruit de son amour malheureux, le détachait encore davantage des passions vulgaires et rebattues de ce monde. Son âme était pleine du culte de la beauté et de la poésie, et comme il n’avait point pour l’épancher le don de la répandre dans ses vers, comme les poëtes, ses émotions concentrées au fond de son cœur se reflétaient sur toutes ses pensées et prêtaient leurs brillantes couleurs à tous ses sentiments. Quelquefois absorbé dans la beatitude de ses visions célestes, il se peignait le sort qu’il aurait pu espérer si Irène avait vécu, si le destin les avait unis, loin du fracas