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RIENZI.

vont guetter l’occasion de se soulever. Le peuple désertera encore, ou bien, si rendu plus sage par l’expérience, le sénateur a compris que la faveur populaire a la voix forte, mais le bras faible, il va, comme les barons, s’entourer d’épées étrangères. Ce seront quelques soldats de la Grande Compagnie dont il fera sa cour, et qui deviendront ses maîtres ! Pour les payer il faudra taxer le peu ple : alors l’idole est exécrée. Il n’y a pas d’Italien capable de gouverner ces fiers démons du Nord, ils se mutineront et le laisseront là. Un nouveau démagogue soulèvera le peuple, et Rienzi en sera la victime. N’oubliez pas ma prophétie.

— Et alors qu’est-ce que vous regardez

— Rome est perdue, et pour longtemps, car Dieu ne fait pas deux Rienzi ; ou bien dit fièrement Montréal, il faudra infuser un sang nouveau dans les veines usées de ce corps débile et fonder une dynastie nouvelle. En vérité, quand je regarde autour de moi, je crois que le souverain maître des nations a résolu de régénérer le Midi par les invasions du Nord, et que c’est à la vieille race de France ou de Germanie qu’il est réservé de relever les trônes du monde à venir ! »

Pendant que Montréal parlait ainsi, s’appuyant sur son grand sabre de guerre, avec ces traits aussi beaux qu’héroïques, dont l’expression franche, hardie, indomptable, différait tellement de cet esprit sombre et astucieux qui anime les figures du Midi, avec ces traits auxquels l’enthousiasme et la réflexion donnaient une double éloquence, il aurait pu dignement représenter le génie de cette chevalerie du Nord dont il parlait. Adrien crut un instant qu’il voyait devant lui un des vieux fléaux gothiques du monde occidental.

Ici leur conversation fut interrompue par le son d’une trompette, et aussitôt un officier entra pour annoncer l’arrivée des ambassadeurs de Florence.