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RIENZI.

que ses meurtriers, ajouta encore à leurs dignités et à leurs honneurs.

Dans le donquichottisme d’un cœur vraiment royal par sa nature, il crut qu’il n’y avait point de moyen terme pour lui, et que cette inimitié qu’il ne réduirait pas au silence par la mort, il l’étoufferait sous les marques de confiance et les faveurs dont il voulait les combler. Une semblable conduite, de la part d’un roi né sur le trône envers ses inférieurs héréditaires, aurait pu réussir ; mais la générosité d’un homme qui s’est élevé brusquement au-dessus de ses seigneurs n’est qu’une ostentation insultante. Rienzi, dans cet élan de générosité et peut-être dans son pardon même, commit une funeste faute de politique, que la sombre sagacité d’un Visconti ou, plus tard, d’un Borgia n’aurait jamais risquée. Mais c’était l’erreur d’un grand et noble esprit.

Nina était assise dans le salon d’apparat : c’était son jour de réception pour les dames romaines.

La compagnie était moins nombreuse qu’à l’ordinaire, à tel point que Nina en tressaillit ; elle crut voir dans les manières de ses visiteuses une froideur et une contrainte qui piquaient jusqu’à un certain point sa vanité.

« J’espère bien que nous n’avons pas offensé la signora Colonna, dit-elle à la dame de Gianni, fils d’Étienne. Elle avait coutume d’honorer nos salons, et nous regrettons l’absence d’une personne si auguste.

— Madame, la mère de mon seigneur et maître est indisposée.

— Vraiment ? Nous enverrons chez elle pour avoir de meilleures nouvelles. Il me semble que nous sommes bien abandonnées aujourd’hui.

Tout en parlant, elle laissa tomber nonchalamment son mouchoir ; la hautaine baronne des Colonna ne s’inclina point ; pas une main ne bougea, et la tribunessa eut l’air d’être un moment surprise et déconcertée. Ses