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RIENZI.

différent. De longues lignes d’hommes armés étaient rangées de chaque côté d’une route qui menait à une grande tente marquise placée sur un petit monticule et surmontée d’un pavillon bleu ; le long de cette route des soldats armés allaient et venaient avec beaucoup d’ordre, mais tous avec une expression de satisfaction etde plaisir sur leurs figures basanées. Plusieurs se dirigeant vers la tente, portaient sur leurs épaules des paquets et des ballots ; ceux qui revenaient semblaient s’être débarrassés de leurs fardeaux ; mais chacun d’eux, ouvrant ses mains de temps à autre avec impatience, paraissait compter et recompter en soi-même les pièces de monnaie qu’elles contenaient.

Le chevalier lança à son compagnon un regard interrogateur.

« C’est la tente des marchands, dit le capitaine ; ils ont leur entrée libre au camp, où leurs propriétés et leurs personnes sont sévèrement respectées. Ils achètent à juste prix la part de pillage de chaque soldat, et tout le monde y trouve son compte.

— Il y a donc apparence, qu’on observe parmi vous une espèce de justice grossière, dit le chevalier.

— Grossière ! Diavolo ! Il n’est pas une ville d’Italie qui ne fût contente d’une justice aussi équitable et de lois aussi impartiales. Là-bas sont les tertes des juges désignés pour examiner toute affaire de soldat à soldat. À droite, la tente avec la boule d’or renferme le trésorier de l’armée. Fra Moreale ne laisse jamais courir d’arrérages avec ses soldats. »

C’était en effet par ces moyens que le chevalier de Saint-Jean avait rassemblé les troupes les mieux équipées et les plus satisfaites de l’Italie. Chaque jour lui amenait des recrues. Parmi les mercenaires de l’Italie, on ne parlait plus que des richesses acquises à son service, et chaque militaire à la solde d’une république ou d’un tyran sou-