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RIENZI.

qui avait la prétention de leur servir d’abri, semblaient rire d’une aussi franche gaieté que dans les jours de fête. L’œil du cavalier errait nonchalamment sur cette vue enchanteresse, endormi, pour ainsi dire, dans les teintes rosées du plus beau ciel de Toscane ; puis il se fixa avec une attention plus sérieuse sur les murailles grises el renfrognées d’un château lointain, qui, du haut de la montagne la plus escarpée, dominait en face tout le vallan.

« Voilà murmura-t-il en lui-même, comme chaque paradis en Italie a sa malédiction ! Partout où le pays a le plus de charmes et de grâce on est sûr de trouver la tente du bandit et le château du tyran ! »

À peine ces idées avaient-elles traversé son esprit, que toute la troupe tressaillit au son aigu et soudain d’un clairon retentissant près de là, dans les vignes qui bordaient le sentier. La cavalcade s’arrêta brusquement. Le chef fit un signe à l’écuyer qui menait son cheval de bataille ; le noble et intrépide animal resta parfaitement tranquille, si ce n’est qu’il rongeait impatiemment son frein et agitait de droite et de gauche son oreille irritable, comme s’il eût pressenti l’approche d’un danger ; tandis que l’écuyer, n’étant point surchargé de la pesante armure des Allemands, put s’enfoncer dans les buissons et disparut. Quelques minutes après il revint tout échauffé et hors d’haleine.

« Il faut nous tenir sur nos gardes, murmura-t-il, je vois l’acier reluire à travers les feuilles de vigne.

— Nous n’avons pas l’avantage du terrain, » dit le chevalier, s’empressant d’attacher son casque et de monter son palefroi ; puis, indiquant de la main un endroit de la route plus large qui donnerait aux cavaliers plus d’espace pour agir ensemble, il s’y dirigea promptement avec son petit escadron ; l’armure des soldats faisait un cliquetis rapide et sourd pendant qu’ils s’avançaient deux par deux.