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RIENZI.

étaient fortement accentués et brunis comme le bronze par le soleil de tant de climats qu’il avait parcourus ; quelques boucles d’un noir de jais s’échappaient de des sous son chapeau pour descendre le long d’une joue soigneusement rasée. Sa physionomie avait une expression grave et recueillie qui ressemblait à de la tristesse ; la beauté de la vue sans pareille qui s’étendait devant ses yeux ne pouvait chasser de son front cette mélancolie calme et profonde. Outre les écuyers, dix hommes à cheval, armés de pied en cap, accompagnaient le chevalier ; et la conversation qu’ils entretenaient par intervalles ou à voix basse, ainsi que leurs longs et beaux cheveux, leur grande stature, leurs barbes épaisses et courtes, l’équipement complet et élégant de leurs armures et de leurs coursiers, montraient en eux des fils d’une rare plus robuste et plus guerrière que les enfants du Midi. Le dernier de la cavalcade était un homme d’une taille presque gigantesque, portant une bannière richement ornée, où était brodée une colonne avec cette inscription : « Seule debout au milieu des ruines. » La perspective qui s’ouvrait à chaque pas présentait réellement un paysage magnifique et toujours varié dans sa grandeur. De l’autre côté s’étendait une longue vallée, tantôt couverte de vertes forêts qui brillaient aux rayons dorés du soleil, tantôt se déployant en plaines étroites bordées de coteaux, où croissaient, au milieu des mousses de diverses couleurs, des arbrisseaux fantastiques et parfumés ; au travers de ces bosquets, promenant ses replis tortueux, un vaste torrent montrait par intervalles ses eaux argentées ; les bois et les collines le dérobaient ensuite aux regards, mais ce n’était que pour reparaître bientôt, soudaine et brillante surprise ! Le versant de ces riantes collines, aussi bien que la pente que descendaient alors les cavaliers, étaient couverts de vignes disposées en allées et en arcades ; et les grappes, passant au travers du feuillage épais