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RIENZI.

tyranneaux de cet infortuné pays. Vous n’êtes pas un Visconti, un Castracani, vous ne pouvez pas salir vos lauriers par une vengeance exercée sur une femme. Entendez-moi, poursuivit-elle en tombant brusquement à ses pieds, les hommes trompent et dupent notre sexe, dans un but égoïste, et ils sont pardonnés même par leurs victimes. Si je vous ai trompé, moi, par une fausse espérance, voyez quel était mon but, quelle est mon excuse. La liberté de mon mari, le salut de ma patrie ! La femme, monseigneur,… hélas ! votre sexe ne comprend que trop rarement sa faiblesse ou sa grandeur ! tout humble, toute fragile qu’elle est à l’égard des autres, Dieu la dote de mille vertus à l’égard de celui qu’elle aime ! Ce n’est que dans cet amour qu’elle puise les plus nobles instincts de sa nature. Pour le héros de son culte elle a la douceur d’une colombe, le dévouement d’une sainte ; pour veiller sur lui dans le péril, pour le soulager dans l’infortune, son esprit innocent se pénètre de la sagacité du serpent, son faible caur du courage de la lionne ! C’est cet amour qui, dans l’absence de mon époux, m’a fait voiler ma figure de sourires menteurs, afin que les amis de l’exilé sans abri ne désespérassent point de son sort ; c’est cet amour qui m’amena au travers de forêts infestées de voleurs, pour contempler les étoiles sur cette tour solitaire ; c’est lui qui dirigea mes pas au milieu des réjouissances de votre cour détestée ; c’est cet amour qui m’a fait chercher un libérateur dans le plus noble de ses chefs ; c’est cet amour qui a enfin ouvert la porte du cachot au prisonnier qui est maintenant sous votre toit ; et cet amour, monseigneur cardinal, ajouta Nina, se levant et croisant ses bras sur sa poitrine cet amour si votre colère cherche une victime, m’inspirera la force de mourir sans un seul gémissement, mais aussi sans déshonneur. »

Albornoz restait comme terrassé. L’étonnement, l’é-