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RIENZI.

Cola de Rienzi. Sachez, monseigneur, que celle qui vous parle en ce moment est sa femme. »

Le cardinal resta immobile et silencieux. Mais sa blême figure devint rouge du front au cou, et ses lèvres minces frissonnèrent un instant, puis s’écartèrent en un sourire amer et languissant. Enfin il se leva lentement de son siége, et dit d’une voix tremblante de colère :

« C’est bien, madame. Je vois que Gilles d’Albornoz a été une marionnette entre vos mains, un marche-pied pour servir à l’élévation du démagogue plébéien de Rome. Vous vous êtes jouée de moi pour me faire servir à votre usage personnel ; il ne vous a fallu rien moins qu’un cardinal d’Espagne et un prince de la famille des rois d’Aragon pour être le digne instrument des jongleries d’un saltimbanque ! Madame, vous et votre époux vous pouvez être justement accusés d’ambition…

— Arrêtez, monseigneur, dit Nina avec une dignité inexprimable. Quelle que soit l’offense commise à votre égard, elle m’appartient tout entière. Jusqu’à ma dernière entrevue avec vous, Rienzi ne savait pas même que je fusse présente à Avignon.

— À notre dernière entrevue, madame (vous faites bien de la rappeler !) il me semble qu’il y a eu un contrat implicite, à mots couverts. J’ai rempli mon engagement, acquittez-vous du vôtre. Remarquez bien que je n’abandonne point mon droit. Aussi facilement que je déchire ce gant, je puis déchirer le parchemin qui proclame votre mari « sénateur de Rome. » Le cachot n’est point la mort, et ses portes peuvent s’ouvrir deux fois.

— Monseigneur, monseigneur ! s’écria Nina, frappée de terreur ; ne faites point ce tort à votre noble caractère, à votre grand nom, à votre sainte dignité, à votre sang chevaleresque. Vous êtes de la race royale d’Espagne, vous n’avez rien à faire avec les vices honteux, bas, impitoyables qui souillent les misérables