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RIENZI.

criminel ? Plût à Dieu que ce fût seulement sur ses épaules que l’empire chrétien reposât tout entier ! »

À la fin de l’entrevue, il avait, avec toutes les marques possibles de faveur et de distinction, conféré à Rienzi la dignité de sénateur, c’est-à-dire, en réalité celle de vice-roi de Rome ; il avait volontiers accédé à tous les projets que l’esprit entreprenant de Rienzi avait encore une fois formés, non-seulement pour recouvrer les territoires de l’Église, mais encore pour étendre la suzeraineté dictatoriale de la ville aux sept collines sur tous les états secondaires de l’Italie.

Albornoz, à qui le pape rapporta en détail cette conversation, ressentit quelque jalousie de la faveur que le nouveau sénateur s’était si soudainement acquise, et aussitôt qu’il fut rentré chez lui, il se ménagea un entretien avec son hôte. Au fond de l’âme, le cardinal, en lui-même, étant avant tout un homme d’action et d’affaires, regardait Rienzi comme un politique plutôt rusé que sage, plutôt heureux que grand, mélange équivoque du pédant et du démagogue. Mais après une longue et sérieuse entrevue avec le nouveau sénateur, lui-même il céda au charme de cet esprit séduisant, de ce véritable enchanteur. Il fut obligé de s’avouer que l’élévation de Rienzi n’était point un résultat du hasard ; il lui en coûtait encore plus de reconnaître que le sénateur était un homme avec lequel il pourrait traiter d’égal à égal, mais qu’il fallait désespérer de gouverner comme un mignon de cour. Il douta sérieusement qu’il fût prudent de lui remettre entre les mains un pouvoir qu’il avait assez de capacité pour exercer, avec assez de génie pour l’étendre. Néanmoins il ne se repentit point d’avoir pris part à l’acquittement de Rienzi, dont la présence ne pouvait que produire un heureux effet dans un camp si pauvre en soldats, car c’était par l’influence de cet homme qu’il comptait plus que jamais enrôler les Romains en faveur