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RIENZI.

tisans, tes soutiens. Il me fut facile de me procurer de l’or. Je me rendis à Florence, j’y pris un faux, nom, je vins ici pour comploter, projeter, obtenir ta liberté ou mourir avec toi. Ah ! ton cœur ne t’a donc point dit que nuit et jour les yeux de ta fidèle Nina contemplaient cette sombre tour, et que tu avais là une amie, si humble qu’elle fût, qui ne t’abandonnerait jamais ?

— Douce Nina ! Mais,… mais à Avignon, la puissance vend ses faveurs à la beauté. Rappelle-toi que la mort n’est pas le pire de tous les maux.

— Nina pålit. Ne crains pas, dit-elle à voix basse, mais d’un ton résolu, ne crains pas que les lèvres d’un homme disent que Rienzi a été délivré par sa femme. Personne en cette cour corrompue ne sait que je suis ton épouse.

— Femme, dit sévèrement le tribun, tes lèvres éludent la question à laquelle je demandais une réponse. Dans ce temps, dans ce pays, dégénérés, ton sexe et le mien oublient trop honteusement la lèpre d’infamie que la moindre tache peut jeter sur l’honneur d’une femme. Ton cœur ne voudrait jamais m’outrager, je le crois ; mais si ta faiblesse, la crainte même de me voir mourir, faisaient tort à mon honneur, tu serais alors pour Rienzi un ennemi plus cruel que le fer des Colonna. Parle, Nina !

— Oh ! si mon âme pouvait répondre ! Tes paroles sont comme une mélodie pour moi, et chacune de mes pensées en est un écho. Aurais-je pu toucher cette main, aurais-je pu affronter ce regard, si j’avais oublié que tu préfèrerais la mort au déshonneur ? Rienzi, la dernière fois que nous nous sommes séparés dans l’affliction, sans pourtant renoncer à l’espérance, quelles sont les paroles que tu m’as adressées ?

— Je me les rappelle bien, repartit le tribun. Je te laisse, ai-je dit, le soin de soutenir par ton génie à la cour de l’empereur, la grande cause. Tu es jeune et belle, et