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RIENZI.

pieds à la tête dans le long manteau de l’époque, qui s’unissait à un large chapeau ombragé de plumes, pour cacher même les traits du visiteur.

Rienzi fixa longtemps sur lui un regard curieux.

« Parlez, dit-il enfin, mettant sa main devant ses yeux. Je ne sais pas si c’est que ma longue solitude a égaré mes esprits ou que votre présence m’éblouit, mais je ne vous reconnais pas. Est-il bien sûr ?… et tout en se levant lentement Rienzi sentait ses cheveux se dresser sur sa tête… est-il bien sûr que c’est un homme de chair et d’os que j’ai là devant moi ? Ce ne serait pas la première fois que des anges seraient entrés dans les prisons. Hélas ! Jamais la consolation d’un ange ne fut plus nécessaire.

L’étranger ne répondit point ; mais le captif vit palpiter son cœur sous son manteau, et de bruyants sanglots étouffaient sa voix ; enfin, par un violent effort, il vint d’un bond tomber aux pieds du tribun. Le chapeau rabattu, le long manteau tombèrent à terre, c’était la figure d’une femme qui levait ses regards vers lui à travers des larmes étincelantes et passionnées, c’étaient les bras d’une femme qui étreignaient les genoux du prisonnier. Rienzi la regardait, muet, immobile comme une statue.

« Ô puissances et saints du ciel ! murmura-t-il enfin, venez-vous encore me tenter ? Serait-ce ?… Non, non, mais parlez !

— Mon bien-aimé, mon adoré, ne me reconnaissez-vous pas ?

— C’est donc, c’est…, cria Rienzi transporté, c’est ma Nina, ma femme, ma… La voix lui manqua. Serrés dans les bras l’un de l’autre, les infortunés semblèrent quelque temps avoir perdu jusqu’au sentiment du plaisir de se trouver enfin réunis. C’était une extase profonde, une insensibilité délicieuse, quelque chose de subtil et de vaporeux comme un rêve.

Enfin elle revient à elle, elle reprend ses sens après