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RIENZI.

l’homme dont la grandeur est un don de sa patrie, sur l’homme dont la vie même est la liberté de sa patrie, veillent les âmes des justes et les yeux du séraphin porteur du glaive, qui ne connaissent point le sommeil ! Instruits par votre récente mésaventure et votre danger présent, étouffez votre colère contre moi ; respectez les lois, vénérez la liberté de votre cité, et pensez-y bien, aucun État ne présente un plus beau spectacle que celui d’hommes de votre naissance, formant un ordre patricien distingué, employant votre puissance à protéger votre ville, vos richesses à nourrir ses arts, votre valeur chevaleresque à défendre ses lois ! Reprenez vos épées, et le premier homme qui voudra frapper les libertés de Rome, que ce soit là votre victime, quand même cette victime serait le tribun. Votre cause a été examinée, votre sentence est prononcée. Renouvelez votre serment de vous abstenir de toute hostilité privée ou publique, contre le gouvernement et les magistrats de Rome, et je vous pardonne, vous êtes libres ! »

Étonnés, abasourdis, les barons ployèrent le genou machinalement ; les moines qui avaient reçu leurs confessions leur firent prêter le serment selon la formule ; et pendant que leurs lèvres pâles murmuraient ces paroles solennelles, ils entendaient en bas la multitude rugissante qui avait soif de leur sang.

La cérémonie achevée, le tribun passa dans la salle du banquet, qui conduisait à un balcon d’où il avait coutume de haranguer le peuple ; et jamais, peut-être, son merveilleux empire sur les passions d’un auditoire (Pétrarque disait bien : « Pour persuader, le dictateur a une éloquence puissante, pleine de douceur et de charme ») ne lui fut plus nécessaire : jamais aussi elle ne se déploya d’une manière plus remarquable que ce jour-là ; car la fureur du peuple était portée au plus haut degré, et il fallut du temps à Rienzi pour parvenir à la ramener.