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RIENZI.

personne admise auprès du prisonnier Cola de Rienzi ; apprends son nom, cherche à savoir d’où elle vient. Fais bien attention, Alvarez. Tâche de connaître par quel motif la Cesarini s’intéresse au sort du détenu. Ne néglige aucun des détails qui la concernent : naissance, fortune, famille — ce seront autant de renseignements qui me seront utiles. Tu comprends bien ! — Ah ! par précaution…, tu n’as aucune mission de moi, tu ne me connais pas ; tu es un officier de la prison ou du pape, ce que tu voudras. Donne-moi le rosaire ; allume la lampe devant le crucifix ; place-moi ce cilice sous mon armure. Je voudrais qu’il eût l’air d’être mis là pour être caché ! Dis à Gomez de faire entrer le prédicateur dominicain.

— Ces moines-là sont zélés, continua le cardinal en lui-même, pendant qu’Alvarez se retirait après avoir exécuté ses ordres. « Ils vous brûleraient un homme, tout simplement en l’honneur de la Bible ! Ils valent la peine qu’on se les concilie, si la triple couronne vaut réellement elle-même la peine qu’on cherche à la gagner ; si elle était à moi, j’y ajouterais volontiers la plume d’aigle. »

Et plongé dans ses rêves d’avenir, cet homme audacieux oublia même l’objet de sa passion. Dans la vie réelle, à partir d’un certain âge, les ambitieux connaissent encore l’amour, mais ce n’est plus que par intermèdes. Et vraiment, pour le plus grand nombre, la vie a des soucis sinon plus fréquents, du moins plus absorbants que ceux de l’amour. L’amour est la grande affaire des désœuvrés, mais le désœuvrement des gens d’affaires.

La Cesarini était seule quand le messager du cardinal arriva, et aussitôt qu’elle l’eut renvoyé avec quelques lignes de gratitude qui semblaient avoir abjuré la froideur discrète sous laquelle la signora abritait ordinairement sa fierté, le page Angelo fut appelé auprès d’elle.