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RIENZI.

— Mais sommes-nous assez forts ? Nous sommes peu nombreux. Le zèle se relâche ! Nous n’avons plus pour nous la piété des Baudouins.

— Votre Sainteté sait bien, dit le cardinal, que pour les masses il n’y a que deux mots d’ordre à la guerre : Liberté et Religion. Si celui de religion commence à manquer son effet, il nous faut employer le plus profane : « Vive la bannière de l’Église et à bas les tyrans ! » Nous proclamerons l’égalité et la liberté ; et, Dieu aidant, ces promesses attireront plus de soldats dans votre camp que sous les tentes de Montréal le cri yulgaire de : « Solde et pillage. »

— Gilles d’Albornoz, dit le pape avec ardeur, car, entraîné par la vivacité du cardinal, il oublia la formule consacrée par l’étiquette, j’ai une confiance absolue en vous, vous êtes aujourd’hui le bras droit de l’Église, en attendant que plus tard vous en soyez peut-être le chef. Car je sens que le sort aurait déjà pu mieux choisir. Ce sera à mon successeur à réparer cette erreur de la fortune. »

Nul changement de visage, nul coup d’œil étincelant ne trahit au regard investigateur du pape l’émotion que pouvaient avoir évoquée ces mots dans le cœur de l’ambitieux cardinal. Il inclina humblement sa tête superbe en répliquant : « Dieu veuille qu’Innocent VI vive longtemps pour guider l’Église dans le sentier de la gloire ! À Gilles d’Albornoz, moins prêtre que soldat, le tumulte des camps, le souffle du coursier des batailles, suffisent. Ce sont les seules aspirations auxquelles il ose jamais prétendre. Mais votre Sainteté a-t-elle communiqué à votre serviteur tout ce que… ?

— Non, interrompit Innocent, j’ai encore des nouvelles tout aussi alarmantes. Ce Jean de Vico, que la peste l’accompagne ! qui s’intitule toujours (bandit excommunié !) préfet de Rome, a si bien rempli de ses émissaires