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RIENZI.

— À mon avis, observa Rienzi, nous devons faire plus encore que de pardonner. César, le grand César, lorsqu’il n’écrasait pas un ennemi, tâchait de s’en faire un ami.

— Et c’est par là qu’il a péri, dit brusquement Baroncelli. »

Rienzi tressaillit et changea de couleur.

« Si vous voulez sauver ces misérables prisonniers, mieux vaut ne pas attendre que la fureur des masses ne connaisse plus de frein, murmura Pandulfo. »

Le tribun s’éveilla de sa rêverie.

« Pandulfo, dit-il du même ton, mon cœur m’abuse peut-être. Les petits des serpents sont entre mes mains, je ne les étouffe pas ; ils peuvent me faire une piqûre mortelle en reconnaissance de ma miséricorde, c’est dans leur instinct ! N’importe ; il ne sera pas dit que le tribun de Rome achètera sa sûreté personnelle au prix de tant de vies, et l’on n’inscrira point sur ma pierre sépulcrale : Ci-gît le lâche qui n’osa point pardonner ! Holà ! Officiers, ouvrez les portes ! Mes maîtres, faisons connaître aux prisonniers leur sentence. »

Là-dessus, Rienzi s’assit au fauteuil de cérémonie, au haut bout de la table, et le soleil, maintenant levé, jetait ses rayons sur les murailles d’un rouge sanglant, où les barons, introduits en ordre dans la chambre, crurent lire leur destin.

« Messeigneurs, dit le tribun, vous avez offensé les lois de Dieu et des hommes ! Mais Dieu enseigne aux hommes la miséricorde. Apprenez enfin que je possède une vie protégée par un charme. Celui que, pour de hauts desseins, le ciel a élevé de la chaumière au trône populaire n’est pas sans une aide invisible, sans un bouclier spirituel. Si les souverains héréditaires sont regardés comme sacrés, combien plus sacré celui dont la puissance porte pour ainsi dire le cachet, le témoignage de la main divine ! Oui, sur l’homme qui ne vit que pour son pays, sur