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RIENZI.

J’aurais voulu devoir le trésor que j’espère à l’amour plutôt qu’à la reconnaissance. Mais écoutez-moi, douce dame ; vous vous faites une idée exagérée de mon pouvoir ; je ne puis délivrer Rienzi ; il est accusé de rébellion, il est excommunié comme hérétique. Son acquittement est en ses propres mains.

— Vous pouvez décider sa mise en jugement ?

— Peut-être, madame.

— C’est à dire son acquittement. Vous pouvez lui procurer aussi une audience particulière de Sa Sainteté.

— Sans doute.

— C’est à dire son rétablissement. Voilà tout ce que je vous demande !

— Et alors, aimable Romaine, ce sera à mon tour à demander, » dit le cardinal d’un ton passionné, tombant à genoux et prenant la main de la signora. Un moment cette dame si fière sentit qu’elle était femme ; elle rougit, elle trembla ; si le cardinal avait pu lire dans ce cœur, il aurait vu que ce n’était pas la passion qui la faisait trembler, mais la terreur et la honte. Elle abandonna nonchalamment sa main au cardinal, qui la couvrit de baisers.

« Avec une telle inspiration, dit Albornoz en se levant, je ne doute point de mon succès. Demain je reviendrai vous présenter mes hommages. »

Il pressa cette main sur son cœur, la dame ne le sentit point. Il soupira son adieu, elle ne l’entendit pas. Il la contempla avec langueur, et partit lentement. Mais quelques instants s’écoulèrent avant que, rappelée à elle-même, elle s’aperçut qu’elle était seule.

« Seule ! s’écria-t-elle à demi-voix et avec une énergie sauvage. Seule ! Oh ! qu’ai-je souffert ! qu’ai-je dit ! lui être infidèle, même en pensée, à lui ! Oh ! jamais, jamais ! Moi qui ai senti le baiser de ses lèvres qui sanctifient, moi qui ai dormi sur son cœur de roi ! Moi ! Sainte Mère