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RIENZI.

temps que le marché du Becchino n’était pas encore encombré, du temps que le prêtre suivait et que l’ami pleurait encore le mort. Mais c’est sur le sol fouillé plus bas qu’étaient l’horreur et le dégoût ! Jetés pêle-mêle et entassés ensemble sur des nattes, les uns nus, les autres dans des linceuls déjà noirs et corrompus, gisaient les hôtes les plus récents, privés, à leur dernière heure, de l’absolution du confesseur ! Les torches, le soleil, mêlaient leur lumière de feu sur le monceau de corruption à tous ses degrés, du visage bleu-pâle et du corps gonflé, à la masse moisie, sans qu’on pût rien y reconnaître, ou aux ossements décharnés qui ne conservaient plus que quelques lambeaux d’une chair noire et pourrie. Chez le plus grand nombre, la figure restait presque entière, pendant que le reste du corps n’était que des os ; la longue chevelure, la face humaine surmontait le squelette affreux. Ici c’était l’enfant toujours sur le sein de sa mère ; là l’amant étendu sur les membres délicats de son adorée ! Les rats (car ils se groupaient par centaines autour de ce festin) dressaient la tête en se voyant dérangés, plutôt qu’effarouchés, par l’apparition du jour, au milieu de leur affreux gala, et des milliers d’entre eux gisaient alentour roides et morts, empoisonnés par leur nourriture ! Là aussi, l’impitoyable moquerie des fossoyeurs avait jeté, après les avoir toutefois dépouillés de l’or et des joyaux qui les couvraient, les emblèmes du rang de ces cadavres ; la baguette brisée du conseiller, le bâton de commandement du général, la mitre du prêtre ! Les exhalaisons’impures et livides s’amassaient, comme les chairs elles-mêmes, en champignons putrides, sur les murailles, et[1].................... ............................

Mais qui pourrait détailler toutes les horreurs indici-

  1. La description donnée dans le texte a été faite d’après la fameuse image (l’intérieur du charnier) modelée en cire à Florence.