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RIENZI.

lorsque, dans quelques-uns de ces accès, à travers des paroles sans suite, elle comprenait vaguement que c’était pour elle qu’il avait parcouru la ville, bravé la mort, couru mille dangers. Et quand alors s’inclinant pour donner un baiser passionné à ce front brûlant, ses larmes tombaient à flots sur l’idole de sa jeunesse, comme d’une source intarissable, pas un instinct du cœur humain, du cœur de la femme, qui ne fût éveillé chez elle avec la reconnaissance qui adore, le doux étonnement d’être aimée à ce point, quoiqu’elle ne se fît pas un mérite de l’aimer de même ; car tout sacrifice de sa part était chose naturelle, tandis que, de la part d’Adrien, c’était une vertu que rien ne pouvait égaler dans la nature, que rien ne pouvait payer dans le monde.

Et il gisait là, victime de sa foi intrépide, sans espoir, n’ayant qu’elle pour appui, entre la vie et la mort. Qu’elle était fière de servir avec reconnaissance, de protéger avec une pitié mêlée de respect… son sauveur qu’elle avait à sauver ! Jamais un seul et même objet n’inspira à la fois à un seul cœur des émotions si variées et si profondes, depuis l’enthousiasme romanesque de la jeune fille, jusqu’à la pieuse tendresse de la fiancée, la vigilance prévoyante de la mère pour son enfant.

Et chose étrange à dire ! Au milieu de la surexcitation causée par ces veilles solitaires (car elle le quittait à peine un instant, ne prenant de nourriture que pour ne pas perdre toutes ses forces ; incapable de fermer les yeux quand elle aurait voulu pour lui prendre quelque repos, pendant que le sommeil le reposait lui-même), au milieu de toutes ces fatigues du corps, de tous ces déchirements de l’âme, elle semblait soutenue par une vigueur surnaturelle. Le saint homme qui partageait ses soins s’émerveillait, à chaque visite, de lui voir les joues toujours fraîches, les yeux toujours brillants. Elle avait la superstition de croire, ou plutôt elle sentait dans son cœur que