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RIENZI.

« À la santé de la peste ! » répétaient les acteurs de ces bacchanales frénétiques.

« À la santé de la peste ! puisse-t-elle toujours, comme aujourd’hui, libérer le coquin de sa chaîne et la nonne de ses vœux ! Pour le geôlier, c’est une épée meurtrière, pour le captif c’est une clef libératrice. Vive le fléau de la terre, c’est une bénédiction pour moi !

— Holà ! cria le chef en s’arrêtant, ici Margherita ; voici un joli manteau pour toi, ma fille ; il y a assez d’argent dessus pour remplir ta bourse si jamais elle se vide ; ce qui peut arriver si la peste se donne relâche.

— Non, dit la fille, qui, au milieu de tout le tumulte de la débauche avait conservé encore beaucoup de jeunesse et de beauté dans ses formes et dans ses traits, non, Guidotto, peut-être qu’elle est empestée.

— Bah ! enfant, l’argent ne donne jamais la peste. Endosse moi ça. D’ailleurs la destinée est la destinée, et quand ton heure sera venue, il y a bien d’autres moyens de mourir que le gavocciolo. »

À ces mots, il saisit le manteau, le jeta brutalement sur les épaules de la malheureuse et l’entraîna comme auparavant, à demi satisfaite de sa parure, à demi effrayée du péril ; tandis que peu à peu, dans l’air chargé de miasmes impurs et dans les rues désolées se perdaient les derniers chants de la plus abominable gaieté.