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RIENZI.

étincelaient d’une flamme effrayante. « Elle l’a saisi (dit-elle alors d’une voix sourde mais calme) ? la peste !

— Arrière, arrière ! Êtes-vous folle ? criait sa compagne ; loin de moi, loin de moi, ne me touche pas maintenant que tu l’as touché ! Va-t’en ! nous nous séparons ici !

— Aidez-moi à le porter quelque part ; voyez, il faiblit, il chancelle, il tombe ! Aidez-moi, chère signora, de grâce, pour l’amour de Dieu ! »

Mais possédée de cette crainte égoïste qui, dans ces temps misérables, l’emportait sur tout sentiment d’humanité, la femme la plus âgée, quoique naturellement bonne, sensible et charitable, s’enfuit rapidement et disparut bientôt. Ainsi laissée seule avec Adrien, maintenant terrassé par l’ardeur de la fièvre qui le dévorait, la force et l’énergie n’abandonnèrent pas la jeune fille. Elle arracha de ses épaules le lourd manteau dont elle était chargée et le jeta loin d’elle, puis, relevant la tête de son amant, — car cette faible femme, qui bravait ainsi une contagion mortelle, ce ne pouvait être qu’Irène, — elle le soutint sur son sein, criant toujours au secours. Enfin les Becchini de la baraque (endurcis par leur métier, et c’était grâce à cet endurcissement qu’ils échappaient à la peste) approchèrent lentement. « Plus vite, plus vite, pour l’amour du Christ ! disait Irène. J’ai beaucoup d’or, je vous récompenserai bien ; aidez-moi à le porter sous le toit le plus proche.

— Laissez-nous-le, jeune dame ; nous le guettions, dit un des fossoyeurs. Nous remplirons notre tâche près de lui, la première et la dernière.

— Non ! non ! ne lui touchez pas la tête ! cela me regarde. Là, je vais vous aider ; c’est cela, allons maintenant, mais doucement ! ».

Assistée de ces aides sinistres, Irène, qui, le tenant vaillamment, veillait sur ces yeux bien-aimés, fermés à la