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RIENZI.

peler par une voix chagrine et irritée. Il se retourna et vit Mariana.

« Eh bien ! Comment ! Comment donc, seigneur di Castello ! notre compagnie est-elle si déplaisante, notre musique si discordante ou nos fronts tellement ridés que vous deviez prendre la fuite comme le voyageur qui fuit les sorcières du Bénévent ? Sans doute vous ne songez pas encore à nous quitter ?

— Belle dame, répondit le cavalier, un peu déconcerté ; c’est en vain que je m’efforce de bannir ma tristesse, ou de me rendre digne d’une cour qui n’admet pas le chagrin. Vos lois me poursuivent comme un coupable : mieux vaut une fuite prudente qu’une expulsion honteuse. »

En même temps il se remit en marche et il allait passer la porte lorsque Mariana le prit par le bras.

« Voyons, dit-elle doucement, n’y a-t-il point des yeux d’un noir étincelant, n’y a-t-il pas de cou blanc comme la neige qui puissent te consoler de l’absence de celle qui te manque ? Reste et oublie, toi-même crois-tu que l’absence ne t’ait pas fait oublier ?

— Madame, répliqua Adrien, avec un grand sérieux auquel se mêlait un dédain mal contenu, je n’ai point fait un assez long séjour au milieu des spectacles et des plaintes de la souffrance pour émousser mon cœur et mes sens jusqu’à les rendre insensibles à tout autour de moi. Jouis, si tu le peux, et cueille les roses fétides du tombeau ; mais pour moi, toujours poursuivi de funèbres images, la beauté ne saurait m’offrir aucun plaisir, et l’amour, même l’amour pur et sacré me semble voilé par l’ombre de la mort. Pardonne-moi et adieu.

— Partez, alors, dit la Florentine, piquée et irritée de sa froideur, allez trouver votre maîtresse au milieu des sombres idées sur lesquelles votre philosophie aime tant à s’appesantir. Je n’ai fait que te tromper dans ton intérêt, aveugle insensé ! en te disant qu’Irène (n’est-ce pas