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RIENZI.

était impatiente de te voir ; mais je dis à Cecco di Vecchio de monter à la tribune aux harangues et de leur expliquer dans son langage sans façon, qu’à cette heure présente, quand tu étais au Capitole, tout occupé d’affaires civiles et sacrées, il serait inconvenant de faire irruption chez toi en pareille multitude. N’ai-je pas bien fait ?

— Fort bien, mon cher Pandolfo.

— Mais Cecco di Vecchio dit qu’il faut qu’il vienne te baiser la main. Tu peux t’attendre à le voir ici aussitôt qu’il pourra échapper aux regards de la foule.

— Il sera le bienvenu, dit Rienzi presque machinalement, car il était toujours absorbé dans ses méditations.

— Tiens, justement le voici ; et un des scribes annonça le forgeron.

— Faites-le entrer, » dit Rienzi en s’asseyant avec calme.

Quand le gigantesque forgeron se trouva face à face avec Rienzi, Pandolfo prit plaisir à observer le merveilleux empire de l’esprit sur la matière. Ce géant farouche et hardi, qui, dans toutes les commotions populaires, s’élevait comme une tour au-dessus de sa classe ; qui était, avec ses muscles de pierre et ses nerfs d’acier, le point de ralliement et le boulevard de tous les autres, se tenait maintenant tout rouge et tout tremblant devant l’intelligence qui venait presque de lui en créer une à lui-même, tant l’éloquent enthousiasme de Rienzi avait fait jaillir et soufflé l’étincelle qui jusqu’alors sommeillait endormie dans cette poitrine grossière. Et, en vérité, qui réveille le premier chez l’esclave le sens et l’âme de la liberté, approche autant que l’homme peut le faire, et plus que le philosophe, plus même que le poëte, du grand attribut, du pouvoir créateur de Dieu ! Mais, si le cœur qui le reçoit n’y est point préparé, le don lui-même peut être fatal au donateur, et, celui qui tout d’un coup, d’es-