Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
RIENZI.

il continuait d’enregistrer sur son grand-livre, en caractères nets et hardis, comme on écrivait alors, ces chiffres maudits qui lui enseignaient, mieux que les déclamations, les exactions commises à l’égard du peuple, et mettaient à sa disposition cette arme du fait pur et simple, dont l’abus a tant de peine à parer les coups.

« Page 2, volume B, dit-il à ses scribes de la tranquille voix de l’homme d’affaires, voir les rentrées de l’impôt du sel ; section no 3… très-bien. Page 9, volume D. — Quel est le total du compte rendu par Vescobaldi, le collecteur ? Quoi ! Douze mille florins ? Pas davantage ! Quel fripon sans conscience ! (Ici retentit au dehors un long cri de : Pandolfo, vive Pandolfo !) Pastrucci, mon ami, voilà votre tête qui court la pretentaine ; vous écoutez ce tapage du dehors, amusez-vous, s’il vous plaît, à faire le calcul que je vous ai confié. Santi, quelle est l’entrée portée par Antonio Tralli ? »

Un léger coup retentit à la porte, et Pandolfo entra.

Les clercs poursuivirent leur tâche, tout en se hâtant de lever les yeux sur ce pâle et respectable visiteur, dont le nom, à leur grand étonnement, était ainsi devenu un cri populaire.

« Ah ! mon ami, dit Rienzi, d’une voix assez calme, mais ses mains tremblaient d’une émotion mal comprimée ; vous voudriez me parler en particulier, hein ? bien, bien, venez par ici. » Et sur ce, il conduisit le citoyen dans un petit cabinet situé derrière les bureaux, en ferma soigneusement la porte, puis, s’abandonnant à l’impétuosité naturelle à son caractère, il saisit Pandolfo par la main. « Parlez, s’écria-t-il, comment prennent-ils l’interprétation ? L’avez-vous faite assez simple, assez claire pour la leur faire toucher au doigt. A-t-elle profondément pénétré dans leurs âmes ?

— Oh oui ! par saint Pierre ! » répondit le citoyen dont la tête était montée par la récente découverte qu’il venait