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RIENZI.

cours et l’aide du ciel. Regardez maintenant quel nom elle porte : c’est Rome ! — Oui, c’est votre patrie qui s’adresse à vous sous cette figure symbolique ! »

La foule ondoyait çà et là, et un murmure croissant finit par dominer le silence qu’elle avait gardé jusqu’alors.

« Maintenant, poursuivit Pandolfo, dirigez vos regards sur la droite du tableau, et vous contemplerez la cause de la tempête, vous verrez pourquoi la cinquième barque est mise en péril et pourquoi ses sœurs ont ainsi fait naufrage. Voyez quatre espèces différentes d’animaux, qui, de leurs horribles gueules, font jaillir les vents et les orages pour tourmenter et bouleverser la mer. Ceux du premier groupe sont les lions, les loups, les ours. Ceux-là, l’inscription vous le dit, sont les seigneurs et maîtres de l’État, sauvages et sans lois ; leurs voisins sont les chiens et les pourceaux, ce sont les mauvais conseillers et les parasites. En troisième lieu, vous voyez les dragons et les renards. Ils vous représentent les faux juges, les faux notaires, ceux qui vendent la justice. Au quatrième groupe, dans les lièvres, les boucs, les singes qui contribuent à provoquer la tempête, vous reconnaissez par l’inscription les emblèmes des plébéiens voleurs et homicides, ravisseurs et spoliateurs. Eh bien ! êtes-vous encore dans l’embarras, ô Romains ? ou comprenez-vous bien maintenant l’énigme du tableau ? »

Bien loin, dans leurs palais massifs, les Savelli et les Orsini entendirent l’écho des acclamations qui répondirent à la question de Pandolfo.

« Êtes-vous alors dénués d’espérance ? » reprit le savant, quand les acclamations eurent cessé, et, du premier son de sa voix, faisant taire les clameurs et les discours que chacun des auditeurs allait adresser à son voisin : « Êtes-vous sans espoir ? Est-ce que ce tableau, en vous montrant vos angoisses, ne vous promet point de salut ?