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RIENZI.

tout pauvre diable aurait son morceau de viande au pot.

— Et autant de pain qu’il en pourrait manger, ajouta un pâle boulanger.

— Bah ! du pain et de la viande ! tout le monde en a maintenant. Mais parlez-moi du vin que boivent les pauvres gens ? On n’a rien qui vous encourage à cultiver la vigne ; » cela fut dit par un vigneron.

« Holà ! hé ! longue vie à Pandolfo de Guido ! faites place à maître Pandolfo ; c’est un homme instruit ; c’est un des amis du grand Notaire, il va vous expliquer le tableau ; place donc, place ! » D’un pas lent et modeste, Pandolfo de Guido, littérateur tranquille, riche, honnête, que rien, sauf la violence de l’époque, n’aurait pu arracher à son paisible logis ou à son cabinet d’études, s’approcha des chaînes. Il attacha un long et profond regard sur ce tableau brillant de couleurs toutes fraîches et encore humides, avec une touche déjà de l’art Renaissance, de cet art informe et rude encore en ses contours, mais déjà reconnaissable, précurseur de la haute perfection qui charme, un siècle plus tard, nos regards dans les peintures du Pérugin. Le peuple se pressa, bouches béantes, autour du savant homme, fixant les yeux tantôt sur la peinture, tantôt sur Pandolfo.

« Ne comprenez-vous donc pas, finit par dire Pandolfo, la facile et palpable signification de cette composition ? Voyez comme le peintre vous a représenté une vaste mer orageuse ; remarquez comme ses vagues…

— Parlez plus haut ! plus haut ! cria l’impatiente multitude.

— Silence ! repartirent ceux qui jouissaient du voisinage immédiat de Pandolfo. Le digne seigneur se fait parfaitement entendre. »

Dans l’intervalle, quelques-uns des plus avisés, courant à une échoppe située sur la place du marché, en apportè-