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RIENZI.

— Ho ! ho ! s’écria le forgeron, et il poussa en avant avec une telle vigueur qu’il laissa tout à coup l’orateur à l’arrière-garde : Si Cola de Rienzi est pour quelque chose là dedans, je me ferais un chemin dans le roc pour y arriver.

— Grand bien nous fera une méchante croûte de rapin, » dit Baroncelli d’un air maussade en se retournant vers ses voisins ; mais personne ne l’écoutait, et le prétendu démagogue se mordait les lèvres de jalousie.

À travers les plaintes et les malédictions à demi-étouffées des hommes qu’il coudoyait de côté, à travers les reproches éclatants et les clameurs aiguës des femmes dont il respectait aussi peu les robes et les coiffures, le brutal forgeron se fraya passage jusqu’à un espace entouré de chaînes, au centre duquel était placé un immense tableau.

« Comment est-il venu là ? s’écriait l’un. J’étais le premier au marché.

— Nous l’avons trouvé ici dès l’aurore, dit un marchand de fruits, et il n’y avait personne à côté.

— Mais, qui vous fait supposer que Rienzi y est pour quelque chose ?

— Eh ! quel autre aurait pu le faire ? répliquèrent vingt bouches.

— C’est vrai. Quel autre que lui ? répéta le robuste forgeron. J’oserais jurer que le brave homme a passé la nuit entière à le peindre lui-même. Par le sang de saint Pierre ! savez-vous que c’est terriblement beau ! Sur quel sujet ça roule-t-il ?

— Ah ! voilà l’énigme, dit une marchande de poissons toute pensive ; si j’en pouvais seulement trouver le fin mot, je mourrais heureuse.

— C’est sans doute quelque chose sur la liberté et les impôts, dit Luigi le boucher en se penchant sur les chaînes. Ah ! si l’on tenait compte des idées de Rienzi,