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RIENZI.

pousser son voisin devant lui, chacun s’efforçait de parvenir à un endroit particulier, autour duquel la foule se pressait serrée et nombreuse.

« Corpo di Dio ! fit un homme d’une énorme stature, fendant la presse comme quelque vaisseau monstrueux qui rejette les vagues bruyantes à droite et à gauche de sa proue, voici chaude besogne ; mais pourquoi, au nom de la sainte Mère de Dieu, me foulez-vous ainsi ? Ne voyez-vous pas, messire Ribald, que mon bras droit est mutilé, emmaillotté, bandé, de sorte que je ne puis pas plus me tirer d’affaire qu’un bambin ? Et pourtant vous poussez sur moi comme si j’étais une vieille muraille !

— Ah ! Cecco di Vecchio ! Eh bien, l’ami ! il faut que nous vous fassions faire place. Vous êtes trop petit et trop délicat pour vous frayer passage à travers une telle cohue ! Venez, je vais vous protéger, dit un nain de quatre pieds de haut en lançant un regard au géant.

— Ma foi, dit le terrible forgeron promenant ses yeux sur la foule qui accueillit de ses rires la plaisanterie du nain ; nous avons tous besoin de protection, petits et grands. De quoi riez-vous, tas de singes ? Vous n’entendez peut-être pas les paraboles.

— Et pourtant c’est une parabole que nous sommes venus contempler, dit un membre de l’attroupement, avec un léger rire sarcastique.

— Je vous donne le bonjour, seigneur Baroncelli, répliqua Cecco di Vecchio ; vous êtes un brave homme et vous aimez le peuple ; cela fait sourire le cœur, rien que de vous voir. À propos de quoi tout ce tapage ?

— Eh bien ! le notaire du pape a exposé sur la place du marché un grand tableau, et les badauds disent qu’il représente Rome, si bien qu’en cette chaude journée ils sont là à se fondre la cervelle au soleil pour deviner le mot de l’énigme.