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RIENZI.


CHAPITRE VIII.

L’homme enthousiaste jugé par l’homme discret.

« Tu me juges mal, disait vivement Rienzi à Adrien, comme ils étaient seuls, assis, près de terminer une longue conférence ; je ne joue point le rôle d’un pur et simple démagogue ; je ne vise point à bouleverser les grands abîmes de la société, à seule fin que ma fortune personnelle s’élève comme une lie à la surface. J’ai si longtemps médité sur le passé, qu’il me semble être arrivé à en faire partie comme si mon existence se confondait avec lui. J’ai marqué mon âme tout entière au coin d’une passion unique et souveraine… la restauration de Rome.

— Mais par quels moyens ?

— Monseigneur ! monseigneur ! Il n’y a qu’une manière de rétablir la grandeur d’un peuple : c’est d’en appeler à ce peuple lui-même. Ni princes ni barons ne peuvent donner à un État une prospérité permanente ; ils savent s’élever, mais sans élever le peuple avec eux. Pour toutes les grandes régénérations il faut un mouvement universel des masses.

— Non, répondit Adrien, ou bien il faut donc que nous ayons lu l’histoire avec des yeux bien différents. Pour moi, toutes les grandes régénérations semblent avoir été l’ouvrage de quelques-uns, tacitement accepté de la multitude. Mais ne nous engageons pas dans des disputes scolastiques. Tu cries à haute voix qu’une vaste crise est