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RIENZI.

En eux tout était jeune ! le cœur n’était ni glacé ni flétri ; c’était cette plénitude, cette surabondance du principe vital, qui porte en soi quelque chose de divin. À cet âge, quand il nous semble que nous ne pourrons jamais mourir, comme tout ce qu’enfante notre cœur est immortel, comme ses créations se colorent et s’animent de la jeunesse d’un dieu ! Notre propre jeunesse ressemble à celle de la terre elle-même, alors que les bois et les ondes se peuplaient de divinités, quand la vie en travail n’enfantait que beauté, que toutes ses formes étaient œuvres de poésie, tous ses airs, mélodies de l’Arcadie et de l’Olympe ! Jamais l’âge d’or ne quitte ce monde, il existe encore et toujours ; tant qu’il y aura amour, santé, poésie, il existera, mais seulement pour la jeunesse.

Si maintenant je m’arrête, quoique ce ne soit qu’un instant, sur cet intermède, dans un drame où sont mises en scène des passions plus viriles que celle de l’amour, c’est parce que je prévois que l’occasion en reviendra rarement. Si je prolonge le portrait d’Irène et de sa secrète passion, au lieu d’attendre des circonstances qui me les fassent mieux décrire que ne peuvent le faire les paroles d’un auteur, c’est parce que je prévois que cette aimante et aimable image doit être jusqu’au bout une ombre plutôt qu’un portrait rejeté dans le second plan, comme le veut la destinée réelle de tels caractères, par des figures plus hardies et des couleurs plus éclatantes ; quelque chose enfin dont la présence se sent plutôt qu’elle ne se voit, et dont l’harmonie avec l’ensemble consiste dans son caractère calme, retiré et soumis.